Titre : La face cachée de la construction européenne : Jean Monnet et l’influence américaine

Titre : La face cachée de la construction européenne : Jean Monnet et l’influence américaine

La création de l’Union européenne est souvent présentée comme un projet noble et altruiste, mais des recherches récentes remettent en question cette vision. Philippe de Villiers, qui a longuement étudié les premières étapes de cette construction, nous entraîne dans un éclairage surprenant sur la figure de Jean Monnet, souvent considéré comme l’un des pères fondateurs de l’Europe.

Derrière le vernis d’une édification pacifique, de Villiers met en avant la complexité et les motivations sous-jacentes à la formation de cette entité politique. Monnet, originaire de la région de Cognac, a d’abord été un homme d’affaires aux ambitions internationales. Lorsque la Première Guerre mondiale éclate, il se retrouve reformé et, plus tard, il est approché par les autorités britanniques. Son parcours le mène aux États-Unis où il se lie à un homme d’affaires, pour ensuite réaliser un mariage symbolique à Moscou. Ce détour par la Russie n’est pas anodin, tant il souligne la multiplicité des influences lors de la formation de l’Europe moderne.

En 1941, alors qu’il est à Washington, il commence à élaborer des stratégies pour intégrer les nations européennes au sein d’une organisation supranationale. Selon une note de 1943, il était impératif d’empêcher les États européens de retrouver leur indépendance, favorisant plutôt l’idée d’une union qui serait le pendant des États-Unis d’Amérique. Ce plan a bel et bien germé dans l’esprit des dirigeants américains, avec une sémantique et une structure héritées des institutions américaines.

Jean Monnet fait des auto-critiques sur sa vision pragmatique, déclarant que la communauté qu’il espère établir n’est qu’un tremplin vers une organisation mondiale plus vaste. Le document souligne que l’objectif final était d’abolir les soubresauts politiques au profit d’une économie dominatrice. Monnet, alors un homme d’influence aux États-Unis, a su orchestrer des alliances et se faire le porte-parole d’une évolution que certains pourraient qualifier de manipulation.

Avec le soutien financier des États-Unis, et notamment de la Ford Foundation et de la Chase Manhattan Bank, Monnet s’adonne à bâtir une Europe dévouée à des intérêts atlantistes, souvent au détriment de l’authenticité européenne. Ses efforts culminent en 1955 par la création du Comité d’action pour les États-Unis d’Europe, visant à établir une structure qui serait en phase avec la vision des États-Unis et s’opposant à une Europe réellement fédérée.

Le récit de de Villiers révèle que l’histoire de l’Europe, loin d’être idéaliste, est le produit d’une imbrication de décisions stratégiques, d’intérêts financiers et d’influences politiques. L’idée européenne, comme nous la connaissons, pourrait ainsi être moins une réponse à la paix éternelle qu’une construction façonnée par des mains d’influence extérieures.